mise à jour vendredi 21 novembre 2008 15:13

ZEN

Bendowa

« PROPOS SUR LE DISCERNEMENT DE LA VOIE»

  Tous les Bouddhas et Tathâgatas possèdent une méthode merveilleuse, supérieure et inconditionnée, pour transmettre directement la Loi profonde et réaliser l'éveil suprême. Si celle-ci se confère sans modification d'un Bouddha à l'autre, c'est qu'elle a pour norme le samâdhi autonome. Pour s'ébattre dans ce samâdhi, la méthode correcte est de s'asseoir en dhyâna. Ce Dharma surabonde en chacun, mais ne peut se manifester sans qu'on le cultive, ni s'atteindre sans qu'on le réalise. Lâchez-le, il vous remplit les mains : qu'a-t-il à voir avec la quantité ? Parlez-en, vous en avez plein la bouche : il n'est limité ni à la verticale ni à l'horizontale. C'est en lui que résident constamment les Bouddhas, sans laisser subsister nulle part la moindre perception. C'est en lui que fonctionnent constamment tous les êtres, sans faire apparaître de domaines au sein de leurs perceptions. La méthode pour négocier la Voie par l'effort, telle que je l'enseigne maintenant, consiste à manifester les dix mille dharmas au sein de la réalisation, et à pratiquer l'Ainsité unique qui transcende le quotidien. Lorsque vous franchissez la barrière et que vous dépouillez [corps et esprit], qu'avez-vous besoin de telles distinctions?

Après que j'eus résolu de rechercher la voie, je consultai des amis de bien à travers tout le Japon. J'eus la chance de rencontrer le maître Myôzen du Kennin[ji]. Les neuf années où nous vécûmes ensemble s'envolèrent trop vite, avec leur cortège de gelées et de floraisons. J'eus ainsi l'occasion d'étudier un peu le style de [l'école] Linji. Myôzen était le principal disciple du maître-patriarche Yôsai, et le seul à transmettre correctement la Loi bouddhique suprême. Aucun de ses condisciples n'aurait pu se comparer à lui.

Je partis ensuite pour la Chine des Song, où je consultai les amis de bien de la région du Liangzhe, et étudiai les styles des cinq écoles. Je consultai finalement le maître de dhyâna Ru jing au Pic de Taibai, et c'est là que fut résolue la grande affaire de ma vie, l'étude [de la Voie]. Par la suite, au début des années Sheding, je rentrais au pays. A peine arrivé, je résolus de répandre la Loi pour le salut des êtres. J'eus l'impression d'endosser une lourde charge.

C'est pourquoi, refrénant mon esprit de prosélytisme dans l'attente du moment propice pour promouvoir [la Loi], j'allai pendant un temps à la dérive comme les nuages ou les plantes aquatiques, prêt à émuler le style des anciens sages. Mais n'existe-t-il pas de vrais adeptes de l'étude qui, indifférents à la gloire et au profit, font passer la pensée de la Voie avant le reste ? Abusés par de faux maîtres, ceux-là ne feront-ils pas aveuglément obstacle à la compréhension correcte, et, accroissant vainement leur confusion, ne tomberont-ils pas définitivement dans le domaine de l'illusion? Comment pourraient-ils faire croître les germes authentiques de la sapience (prajna), et atteindre jamais l'éveil? Comme je suis actuellement sans feu ni lieu, où pourraient-ils chercher conseil ? C'est par compassion pour eux que j'entreprends de divulguer la vraie Loi bouddhique, en recueillant pour les adeptes futurs les règles des monastères Chan que j'ai pu observer en Chine et l'enseignement profond des maîtres dont j'ai hérité. N'est-ce pas là le vrai secret ?

Le grand maître Shakyamouni transmis la Loi à Kasyapa, à l'assemblée du Pic des vautours, et cette Loi s'est transmise directement de patriarche à patriarche jusqu'à Bodhidharma. Ce dernier se rendit en Chine, et y transmit la Loi à Huike. Ceci marqua le début de la transmission de la Loi bouddhique en Chine. Se transmettant directement de la sorte, elle parvint au sixième Patriarche, le maître de dhyâna Dajian [Huineng]. C'est alors que la vraie Loi bouddhique se répandit en Chine, se révélant en son essence comme transcendant toutes catégo­ries. Le sixième Patriarche avait deux excellents disciples, Huairang de Nanyue et Qingyuan de Xingsi. Tous deux héritèrent du sceau bouddhique, et devinrent les guides spirituels des hommes et des devas. Lorsque ces deux branches se répandirent, elles donnèrent naissance à cinq écoles, dites de Fayan, de Guiyang, de Caodong, de Yunmen et de Linji. De nos jours, seule l'école de Linji est largement répandue en Chine. Quoique ces cinq écoles soient distinctes, elles sont toutes marquées au même sceau de l'esprit du Buddha.

En Chine également, à partir des Han postérieurs, des textes doctrinaux apparurent et se répandirent dans tout l'Empire. Mais leur valeur respective n'était pas encore déterminée. Dès que le maître-patriarche [Bodhidharma] fut venu de l'ouest, il trancha les dissensions à leur racine, et la Loi bouddhique pure se dissémina. Nous devons souhaiter qu'il en aille de même pour le Japon.

Tous les patriarches et les Bouddhas qui ont préservé la Loi bouddhique ont prôné la pratique fondée sur la méditation assise dans le samâdhi autonome comme le chemin correct de l'accès à l'éveil. En Inde comme en Chine, tous ceux qui ont atteint l'éveil ont suivi cette pratique. Elle se base sur la transmission correcte de la méthode profonde, confiée en secret par le maître au disciple, et sur la préservation de la vraie tradition ésotérique.  

Selon la tradition authentique de notre école, cette Loi bouddhique, transmise directement, est suprême au suprême degré. A partir du moment où vous consultez un ami de bien, nul besoin de brûler de l'encens, de vénérer [les Buddhas], d'invoquer [Amitâbha], de cultiver le repentir ou de lire les sûtras. II vous suffit de vous asseoir et de dépouiller corps et esprit.

Pour celui qui, ne fût-ce qu'un moment, marque les trois [types d']Actes au sceau du Bouddha en s'asseyant en samâdhi, le Dharmadhâtu dans son ensemble constitue le sceau de Bouddha, et l'espace entier est éveil. De la sorte, il incite les Bouddhas et Tathâgatas à accroître l'allégresse dharmique de leur nature essentielle, et renouvelle la splen­deur de l'étude de la Voie. Et lorsque tous les êtres dans les Dharmadhâtu des dix directions, sur les trois chemins et dans les six destinées, purifient simultanément leur corps et esprit, réalisent le stade de la grande délivrance, et révèlent leur face originelle, tous réalisent l'éveil correct, utilisent le Corps-de-Bouddha, transcendent soudain les limites de leur réalisation, s'assoient sous l'arbre royal de l'éveil, tournent tous ensemble la grande Roue de la Loi sans égale, et exposent la. profonde sapience ultime et inconditionnée.

Comme ces Bouddhas, en outre, faisant retour au monde profane, prennent la voie de l'imperceptible entraide, les pratiquants du dhyâna assis dépouillent à coup sûr leur corps et esprit, tranchent les vues et les pensées confuses et impures qu'ils entretenaient jusqu'alors, et réalisent la Loi bouddhi­que authentique. Ils contribuent à l'œuvre des Bouddhas et Tathâgatas partout où ceux-ci établissent leurs innombrables « aires de l'éveil » (bodhimanda), jusque dans le domaine de l'infiniment petit; ils incitent à dépasser le Bouddha, et exaltent la Loi de ce dépassement. Alors la terre, les végétaux, les haies et les murs, les tuiles et les cailloux, dans les Dharmadhâtu des dix directions, accomplissent l'œuvre des Buddhas.16

Du coup, tous ceux qui tirent profit des phénomènes naturels ainsi produits reçoivent l'aide imperceptible de la prédication très profonde et inconcevable des Bouddhas, et manifestent l'éveil intime. Ceux qui font usage de ces phénomènes naturels font circuler la prédication bouddhi­que relative à la réalisation foncière, et ainsi, tous ceux qui vivent et discutent avec eux sont dotés de vertus bouddhiques illimitées. Ils les font circuler et s'accroître, et répandent la Loi bouddhique inépuisable, incessante, inconcevable et indéfinissable à l'intérieur et à l'extérieur du Dharmadhâtu entier. Cependant, si tout cela n'obscurcit pas leurs percep­tions, c'est parce que leur quiétude est exempte de tout artifice et qu'elle constitue la réalisation directe. Si, comme le pensent les gens du commun, la culture et la réalisation étaient deux degrés [distincts], elles devraient se percevoir mutuellement. Ce qui émerge avec les perceptions n'a pas le critère de la réalisation, car ce critère est inaccessible aux illusions.

Buddhas, et manifestent l'éveil intime. Ceux qui font usage de ces phénomènes naturels font circuler la prédication bouddhique relative à la réalisation foncière, et ainsi, tous ceux qui vivent et discutent avec eux sont dotés de vertus bouddhiques illimitées. Ils les font circuler et s'accroître, et répandent la Loi bouddhique inépuisable, incessante, inconcevable et indéfinissable à l'intérieur et à l'extérieur du Dharmadhâtu entier. Cependant, si tout cela n'obscurcit pas leurs percep­tions, c'est parce que leur quiétude est exempte de tout artifice et qu'elle constitue la réalisation directe. Si, comme le pensent les gens du commun, la culture et la réalisation étaient deux degrés [distincts], elles devraient se percevoir mutuellement. Ce qui émerge avec les perceptions n'a pas le critère de la réalisation, car ce critère est inaccessible aux illusions.

D'autre part, quoique dans l'éveil la pensée et ses objets apparaissent et disparaissent au sein de la quiétude, comme il s'agit là d'un domaine qui se suffit à lui-même, ils ne dérangent pas un grain de poussière, ne détruisent pas une apparence. Ceci constitue l'œuvre immense des Buddhas, la prédication bouddhique très profonde et subtile. Les végétaux et la terre, en accédant à cette prédication de la Voie, émettent une grande lueur, et prêchent à l'infini la Loi profonde. Les herbes et les arbres, les haies et les murs, prônent [la Loi] à tous les êtres, profanes ou saints; et inversement. Le domaine de l'éveil pour soi-même et pour les autres, foncièrement parfait, est doté de toutes les marques de la réalisation, et permet de mettre sans cesse en pratique les normes de cette réalisation.

 Par conséquent, il suffit qu'une personne s'asseye en dhyâna l'espace d'un instant pour qu'elle fusionne avec toutes choses, et communique secrètement avec tous les temps. Ainsi, dans le Dharmadhâtu entier, et dans le passé, le futur et le présent, elle contribue constamment à l'œuvre de conversion des Bouddhas. Sa pratique et sa réalisation ne font qu'une avec celles de tous les êtres. Ceci ne se limite pas à la pratique de la méditation assise. Ce qu'on entend lorsque l'on frappe la vacuité, c'est un son profond et continu, qui résonne avant et après le coup de marteau. Et cela ne s'arrête pas là. Comme tous les êtres sont, de par leur nature originelle, dotés de la pratique fondamentale, ils s'avèrent insondables. Comprenez que, même si les innombrables Bouddhas des dix directions joignaient leurs forces pour tenter d'évaluer, grâce à leur sapience, les mérites d'un pratiquant du dhyâna assis, ils n'y parviendraient pas.

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traduction B. Faure

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